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lundi 30 avril 2012

Ecriture créative

Le procédé est extrêmement simple. Le prof parcourt l'internet à la recherche de photos pour fabriquer un collage. L'enseignant veille à ce que le résultat obtenu soit insolite pour pouvoir titiller l'imagination de l'apprenant. La consigne donnée à celui-ci est d'écrire un court texte de fiction inspiré par le collage. 


En guise d'exemple
Photo distribuée




Texte-exemple


Nature Capitale


Jean-Michel Doppagne goûtait un repos bien mérité en Corse après une campagne particulièrement mouvementée et éprouvante.  Jeune politicien plein d’ambition, il avait suivi à la lettre les recommandations de son mentor, Baptiste Donnadieu, député de la première circonscription de Toulouse. Celui-ci lui avait suffisamment  fait comprendre combien la suprématie du mouvement écolo ces dix dernières années l’exaspérait au plus haut point et qu’il était temps de damer le pion à ces gauchistes qu’on croyait tout droit sortis du siècle passé, ne jurant que par  « Woodstock » ou autre rassemblement fantaisiste revenu à la mode dans les années dix. Comble d’ironie, ce subit regain d’intérêt pour le vert, le bio, le botanique qui allait placer le Parti Ecolo sur les rails du pouvoir  avait vu le jour sous le gouvernement conservateur de Sarkozy, à l’occasion d’une manifestation rendue populaire à grand renfort de publicité, l’opération « Nature Capitale ».  En 2011, il s’agissait modestement de recouvrir les Champs-Elysées d’un gazon vert tendre paré d’une centaine d’espèces d’arbres pour – aux dires des organisateurs – sensibiliser le public à la biodiversité, à l’écologie et aux questions que ne manquait pas de soulever le développement durable. Depuis cette grande célébration de l’utopie verte comme l’aimait à la baptiser Donnadieu, l’Europe tout entière s’était soudain senti l’âme jardinière : Big Ben au milieu des tournesols, le Colisée tapissé de roses, le Prado devenu un marché de fruits et de légumes, chaque capitale européenne s’était surpassée pour impressionner le touriste bio...

Donnadieu avait donc confié à Doppagne une mission : il s’agissait d’éclipser tous ces médiocres en soumettant un projet encore plus grandiose, encore plus impressionnant, encore plus vert ! De ce projet dépendait l’avenir de leur parti et la confiance des électeurs. Il fallait battre les écolos sur leur terrain ! Et c’est là que Doppagne avait eu son idée de génie : fertiliser le champ de Mars pour faire honneur à son nom car après tout, il devait bien s’agir à l’origine d’un champ! Il s’était dépêché de contacter les grands noms de la science botanique et agricole, tâche rendue facile par les nombreux contacts que lui assurait le patronage de Donnadieu qui, en ex-ministre del’Education et de la Recherche, avait encore ses entrées au CNRS (Donnadieu aimait rappeler qu’à son époque on ne perdait pas son temps à la création d’un Ministère du développement durable !).  Doppagne s’était ainsi lié à un éminent botaniste (qui préférait garder l’anonymat), jadis contacté par le gouvernement israélien pour transformer l’aride désert du Néguev en ce qui était devenu une des plaines les plus fertiles au monde. Le secret du botaniste consistait à concocter un mélange savamment dosé d’engrais naturels et de fertilisants chimiques aux propriétés connues de lui seul, pour métamorphoser la nature la plus revêche en grenier à blé, maïs, coton, arachide ou tout autre plante supposée assurer l’autonomie agricole d’une région donnée.

«  Pas d’excès, surtout, mon petit Doppagne ! » lui avait recommandé Donnadieu.  «  Rappelez-vous  qu’il faut en jeter plein la vue mais sans en faire trop.  Savoir naviguer entre l’austère et le pompier entre le sobre et le kitsch, c’est là qu’on reconnaît les génies ! Je vous fais confiance, ne me décevez pas ! »

Tandis que Doppagne se remémorait les épisodes glorieux de son ascension politique et, en particulier, ce coup de maître  consistant à « amener la campagne au pied de la tour Eiffel », comme le rappelaient partout dans la capitale les posters annonçant l’événement , il sentit vibrer dans la poche de son short le beeper que lui avait remis Donnadieu.

 « Prenez quelques jours de repos, vous en avez le plus grand besoin ! », lui avait-il dit en lui confiant les clés d’une maison de vacances qu’il possédait en Corse.

« Je vous conseille de vous couper du monde pendant quelques jours car les journalistes, cameramen et blogueurs du monde entier tiendront à vous voir et mendieront des interviews. Patientez quelques jours et vous aurez la France tout entière à vos pieds. Les écolos feront leurs valises et s’efforceront d’oublier d’avoir voulu briller dans la cour des grands. On ne devient pas politicien, mon petit Doppagne. On l’est !  C’est une seconde nature ! Vous, vous faites partie des vrais de vrais. Donnez-moi 5 ans et je vous céderai volontiers mon siège. Vous l’aurez bien mérité... »

Et c’est pourquoi Doppagne avait quitté Paris en hâte, laissant derrière lui son portable,  et son ordinateur, leur préférant une série de Folios qu’il s’était promis de lire il y a déjà bien longtemps.  Donnadieu lui avait parlé du confort assez fruste de la villa : pas de télé, pas de radio, juste une ligne téléphonique en cas d’urgence. Exactement ce qui convient pour échapper à la fièvre médiatique ! Et Doppagne s’était envolé pour Ajaccio sans même avoir pu contempler l’oeuvre qu’il avait créée, avec pour seul contact avec le monde ce beeper au fond de sa poche. Un rapide coup d’oeil à l’appareil lui permit d’identifier le numéro d’appel de Donnadieu. Doppagne accéléra le pas, se permit même quelques foulées sur le sable chaud de Saleccia et c’est le coeur battant  - résultat de son excitation autant que de sa course improvisée – qu’il pénétra dans la villa de son patron et se précipita sur le téléphone. Midi approchait. Donnadieu avait certainement appelé de son cossu appartement de la Place des Vosges pour le féliciter.  Doppagne forma fiévreusement le numéro... Au bout de deux sonneries à peine, son interlocuteur décrocha :

« - Doppagne !  »  aboya la voix au bout du fil. « Vous êtes un fieffé crétin et je ne sais pas ce qui me retient d’envoyer une horde de maffiosi corses à vos trousses pour en finir avec votre triste existence ! 

- Qu’est-ce qui se passe ? Je ne comprends pas...

- Vous ne comprenez pas ? « Amener la campagne à la ville », c’était bien votre idée, non ? Est-ce que je vous ai demandé d’être aussi littéral ? Et votre spécialiste du Néguev, il n’a pas eu la main un peu lourde avec ses dosages ?

- Je ne vois toujours pas le problème ?

- Ah non ? Dans ce cas, écoutez-moi bien. C’est le dernier conseil que vous recevrez de ma part, mon vieux. Quittez ma villa, envoyez-moi les clés par la poste, rendez-vous dans le premier bistro venu et voyez ce qu’on diffuse en boucle à la télé depuis 24 heures !  Et cachez-vous, Doppagne. Surtout, cachez-vous ! »

2 commentaires:

Félicia M. a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Félicia M. a dit…

Super collage !